Marseille, lundi 10 décembre 2012. Comme d'habitude, à l'entrée de l'Espace Bargemon, un citoyen marseillais voulant assister au conseil municipal de Jean-Claude Gaudin est indésirable. Il doit être inscrit et apparaître sur "la" liste. Cette liste est sous la garde d'un premier barrage par des Marins-pompiers (?) pendant que la presse passe sans problème et que le citoyen non averti est refoulé. Malgré les nombreuses plaintes dénonçant cette pratique non-républicaine, les ordres de Gaudin ne varient pas. La liste restera.
En ce jour froid et mistralien, l'ensemble des élus est arrivé à l'heure. "Faire gagner Marseille" aussi avec Patrick Mennucci, chapeauté, écharpe cashmere évidemment rose qui avait plus belle allure qu'en été. Samia Ghali, pull col roulé rouge et pantalon sur fond noir bariolé, a retrouvé son siège tout étonné de la revoir. Elle avait une paire d'escarpins pointus vernis noir superbes, et, à mon avis, ce n'était ni de l'Eram ni du Kiabi. Avec son cumul de mandats, elle peut sans problème s'acheter une petite paire de Louboutin de temps en temps, mais pas trop quand même, elle ne cumule pas assez. Il lui faudrait les canines d'une Dati pour amonceler dans son dressing les fameuses semelles rouges, mais attendons un peu. Les dents poussent chez certains spécimens.
Bref, le conseil a commencé sans grand élan. Selon l'avancée de l'ordre du jour, les réactions de l'opposition pas très virulentes étaient à la limite du cordial. L'hémicycle dormait encore. Eugène Caselli et sa voix toujours posée répondait au maire avachi, "nous sommes dans l'Europe du Sud dans la compétition des territoires, et nous, en Provence, on continue de se regarder le nombril. Oui à la métropole !" Peu importaient ses critiques contre la politique de la majorité, d'autant plus qu'en déplaçant malencontreusement quelques feuillets sur son micro on ne l'entendait presque plus. Seule la résonnance des pas éléphantesques de Solange Biaggi en nombreux allers-retours organiques rompaient cette douce harmonie. Il ne manquait que les croissants et un bon café chaud.
"On est un peu sur une scène de théâtre" dixit J.C Gaudin pour décrire la politique dans sa bio-docu de France3 "En entendant Gaudin". Chaque conseil se ressemble, les mêmes formules tombent tout en reluquant la cabine presse pour mesurer l'impact de la vanne. Contre Patrick Mennucci, Gaudin récure sec. "Je sais bien que c'est vous qui décidez de tout !", "c'est vrai que vous avez des relations très haut placées, vous !", "vous connaissez des ministres, demandez-leur donc à eux !", "c'est moi qui décide, pas vous ! Vous n'êtes pas encore à ma place, si vous y arrivez !". Le jeu en question commence à devenir lassant. Comme par exemple les sempiternelles remarques stériles au sujet du port de Marseille lapidé depuis trente ans par la CGT toujours en place, "nous n'avons aucun droit de regard sur le port de Marseille, il est autonome ! La Ville a un représentant ! Où est l'hégémonie ? Sur les Roms et leur éjection, "nous faisons ce que nous pouvons mais on ne peut pas se substituer à l'Etat !" Sur Le Palais de la glisse (2008), gigantesque patinoire (même entrepreneur que celle d'Aix, bizarres appels d'offres...) désertée, sans accès ni moyens de transports, une ineptie locale financée entièrement par la Ville (44.8 M€) totalement rejetée par les Marseillais qui avaient tant besoin de piscines (Marseille, 2eme ville de France, seulement 4 piscines aux bassins de 25m, pas de bassin olympique de 50m comme à Aix), et j'en passe. Ronronnement classique, pendant que tout le monde s'en fiche, brouhaha et allers-venues constants, et Gaudin qui couve sa grippe.
Pour ne choisir que quelques épisodes sur les 5 heures du conseil, impossible de connaître le loyer de l'OM. A 18 mois de l'achèvement des travaux de couverture du Vélodrome, il faudra attendre 31 ans pour la fin du remboursement ! Gaudin a rappelé les subventions : 47M€ de la Ville, 30M€ du Conseil général, 20M€ de la Communauté urbaine, 12M€ de la Région, et l'Etat qui traîne la patte, qui devrait donner 28M€ mais qui n'en a versé que 8. "Pour l'instant nous n'avons pas un rond de l'Etat !".
Le port de Marseille et l'exploitation des énormes bateaux de croisière qui ne peuvent pas entrer dans le port de la Joliette car trop longs (environ 365m). Actuellement, au-delà de 180m, c'est impossible. Coût de la transformation : 450M€ ! "Marseille devrait devenir le port naturel de Lyon !", Eugène Caselli. Et la CGT en planque d'un blocage ? Justement, la majorité réagit : "Et le blocage du port pendant 40 jours ? C'est une atteinte grave à notre économie !". Dans l'hémicycle, le PS ne dit rien pendant que les cocos râlent…
La très classe Nathalie Pigamo, voisine de Patrick Mennucci, après une litanie sur les "stades nauTCHIques", a trouvé des "bizarreries auTCHour de la fourrière animale". "Nous nous absTCHiendrons sur ce rapport". L'adjointe à la culture, Dominique Vlasto, dans son français aproximatif et avant de se couvrir de ridicule, a relevé l'extrême vétusté du MAC de Marseille, son manque cruel de rénovation. "Beaucoup d'artistes contemporains voudraient qu'ils soient plus considérés". Ce à quoi le maire a répondu qu'il y avait "trois musées neufs et que, celui-là, on le fait au fur et à mesure" (seule la clim a été changée). Réflexion entendue de l'opposition, "vous êtes plus sensible à l'art des siècles passés !"
Deux très bons moments. Une madeleine de Proust, celle donc de Dominique Vlasto, 2eme adjointe, relations avec les institutions européennes, qui lit son texte sur je ne sais plus quoi et dit "vous avez été 'visionnistes' et… (…)", la salle entière public confondu éclate de rire ! La gauche s'en repaît. Gaudin ne relève pas mais se marre en douce pendant que l'élue continue tranquillement de lire sans corriger sa faute digne d'un cours préparatoire attardé. Je répète, c'est l'adjointe aux relations avec les institutions européennes…
13h. Tout le monde a faim, le conseil est loin d'être fini. Pascal Chamassian, PS, à la suite d'une longue intervention sur les dépenses de la Ville des équipements sportifs, se fait élégamment remettre en place par l'UMP Richard Miron : "On va pas y passer la Noël ! On le voit pas beaucoup sur les terrains de sport, on le voit pas beaucoup auprès des clubs, d'ailleurs on le voit nulle part à part ici à ouvrir sa grande bouche, c'est que ça qui sait faire !"(sic).
Alors là, c'est l'honneur du PS qui se joue. Patrick Mennucci bondit et réclame au maire des excuses de la part de son élu. Gaudin mauvais joueur n'a pas du tout envie et ose un, "Personne ne les a entendues sauf vous M. Mennucci, c'est trop facile !". Moi, j'ai bien entendu. Houle de désapprobation dans le public. Les journalistes hochent la tête l'air navré et parlent entre eux. Mais trop c'est trop pour le chef de l'opposition qui se lève avec majesté, et, tel un Raimu souffleté, enfile son manteau, couvre déjà sa tête de son chapeau, met son écharpe rose sous les sarcasmes éraillés d'une virago UMP : "Allez ! CIAO ! Allez ! Mets l'écharpe rose !"
Aux dernières nouvelles, comme le bon Escartefigue, Pascal Chamassian "exige des esscuses reufléchies" et publiques de l'UMP Richard Miron pour laver l'affront. Un vrai bonheur sémantique ces élus marseillais. A souhaiter presque le retour de la royauté.
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(PS : j'aimerais beaucoup savoir quel rôle tenait M. Gaudin dans la Pastorale, ça manque dans le documentaire de France3, et ce n'est pas une blague... Si quelqu'un peut me répondre (pourquoi pas le maire lui-même) dans les commentaires, merci !)