Lors du récent enlèvement des deux journalistes de France 3 en Afghanistan, Claude Guéant, en janvier dernier, avait lancé un mauvais pavé qui résonnera longtemps son onde de choc : "Le scoop ne doit pas être recherché à tout prix !" Merci M.Guéant. Dorénavant, nombreux seront ceux qui iront systématiquement mettre en doute le travail d'investigation du journalisme d'immersion, d'autant plus et surtout si ce sont des femmes....
Florence Aubenas, Ingrid Bétancourt, les deux sont nées la même année. L'une vient d'avoir cinquante ans, l'autre les aura en cadeau le jour de noël. Les deux ont vécu l'horreur de l'enlèvement et l'enfer de la vie d'otage. Florence est devenue célèbre par son rapt hypermédiatisé. Elle est restée 5 mois dans une cave de 4 mètres de long à plafond bas, les yeux bandés, attachée, silence total. Ingrid a passé 6 ans dans la jungle colombienne dans des conditions extrêmes. Elle n'est pas journaliste. Les deux sont des femmes de conviction aux engagements entiers et peut-être inébranlables. L'avenir nous le dira. Florence et Ingrid sont devenues des produits alléchants pour un marketing facile. Ingrid écrit son livre et je l'attends avec impatience. Pour booster leurs ventes, les ex-otages ex-amis d'Ingrid ont tous exploité sa renommée en désacralisant le mythe de la belle mystique. L'époux aussi. J'ai lu en diagonale (debout dans une librairie) son pathétique livre. J'ai beaucoup pleuré… de rire.
Mais, pour aujourd'hui, Florence Aubenas. Son dernier livre, 'Le quai de Ouistreham', grâce à l'éminence Guéant, est donc critiqué comme 'scoop alimentaire' et l'info remorquée par d'autres journalistes est souvent sans aucun état d'âme. Certains forums fleurent bon la débilité profonde. C'est tout juste si l'enlèvement et la vie d'otage n'avaient pas été une aubaine pour elle ! On la lapide sans scrupules comme par exemple dans le forum de Marianne, comme ça, sans tenir compte de son passé de grand reporter, de ses nombreux courages d'écritures. Vous allez me dire, cela ne l'empêche pas d'être dans le top des ventes ! Évidemment et heureusement ! Mais cette critique immédiate qui stigmatise sans être objective est alarmante. Le journalisme d'immersion mérite totalement ses bénéfices trébuchants car il est, comme dans ce cas, sans déguisement politique possible. Il est facile de critiquer derrière son écran, au chaud, les pieds dans ses vieilles pantoufles diffamatoires. Qui irait chercher l'info sur le terrain ? Quelles sont les journalistes qui iraient faire des ménages pendant des mois pour dénoncer une réalité sociale ?
Dans le Télérama de cette semaine, page 162, un certain François Gorin titre 'Florence Aubenas, star précaire'. Son petit article miteux est rempli de sous-entendus perfides qui ne souligneront en aucun cas ce que voulait dénoncer sa consœur sur la tragique réalité sociale qu'elle a vécue à Caen, Caen représentative de toutes les villes de France. Le Gorin en question, pas solidaire du tout, décrit une Florence Aubenas comme avide de reconnaissance où seule son image est importante. Le sujet principal est évidemment absent. Une fois de plus, le lecteur ne lit pas une information, même critique, mais tombe dans un jugement de valeur mesquin et personnel, sans aucune démarche journalistique. Voici des extraits :
"Difficile de lui échapper, Florence Aubenas est invitée partout- elle a le chic de redresser mine de rien les questions posées un peu de travers. " (…) "On la croit sans peine quand elle dit que son livre est là pour faire exister les personnes (…) des femmes presque toutes. En attendant, c'est elle qu'on voit." Il devient encore plus soupçonneux et met en doute l'authenticité de sa démarche : "Mais comment la célébrissime Florence Aubenas a-t-elle pu passer incognito au Pôle emploi de Caen ? Lui demande-t-on une fois de plus. Elle raconte alors que chez son éditeur (…) la jeune femme de l'accueil ne l'a pas reconnue. Elle n'était pourtant pas déguisée…" Avec des points de suspension pour soulever le doute. Il termine son sournois vilipende stérile en une somptueuse conclusion mille fois utilisée depuis que Shakespeare se fossilise dans le Warwickshire. "Le quai de Ouistreham permet aussi de méditer sur la notoriété : la vouloir ou pas, telle est la question." Quelle grande culture possède ce Gorin à l'étymologie porcine.
Fabienne Pascaud la rédactrice en chef a validé. A combien tire Télérama ? Mais il y a un livre excellemment critiqué au sujet philosophique nouveau, une réflexion profonde sur les conditions de la gent féminine bien plus importante que la misère étalée d'une femme de ménage par une journaliste sans portefeuille médiatique. C'est celui d'Elisabeth Badinter qui squatte tous les plateaux radios, tv, avec son livre suranné et tarte qui dénonce ce que tout le monde sait et vit sur les difficultés contemporaines de la femme en activité professionnelle. Tout y passe ou y repasse. La parité, la maternité et même les difficultés intrinsèques de l'allaitement en 2010 (je rêve !). Heureusement qu'elle n'aborde pas le complexe d'Œdipe selon Dolto, car, sur l'Enfance, elle plagierait presque la clinicienne qui continue de polluer encore des maternités en manque de guide ! On se croirait dans les années quarante !
Elisabeth, son fond de commerce, c'est la femme, sous toutes ses coutures archaïques qu'elle jauge du haut de formules complètement dépassées. Les révolutions féminines à faire, elle ne peut même pas les symboliser ! Par contre, félicitations pour la superbe médiatisation de cet essai historique. Avec son regard bleu, doux et tranquille, la richissime 'Madame' Elisabeth Badinter épouse du grand homme, solide actionnaire de Publicis, essaime l'air de rien le monde du Net :
A ce jour, quand on tape sur Google le titre de son livre, s'affichent 1.350.000 réponses !
165.000 pour 'Le Quai de Ouistreham'…
Bravo ! Florence.